Le Carnet de Guerre du Sergent Firmin BIDARD - 5ème et dernière Partie

Publié le par Pierre MILLET

1918
 
Du 1er Décembre 1917 au 27 Janv. 1918. Comme Sous-off, je monte en ligne avec mes équipes et visite les 3 ou 4 postes qu’ils occupent, puis je redescends à la C.H.R. Je passe 2 mois tranquilles. Je vis mieux, mange à la popote des sous-officiers du 29e R.A.T., puis pendant ce temps, le Secteur était assez calme.
27 janvier. Grand branle-bas. Le 5ème Corps auquel nous sommes rattachés est relevé pour un grand repos, mais où ??? à pied.
Le 28 Janvier. 1ère Étape 18 KM. Nous traversons : Roucy (02), Ventelay(51), Romain (51), Breuil (51), Hourges (51) et cantonnons à Crugny (51).
29 Janvier. 2e Étape 22 Km. Crugny – Arcis le Ponsart (51), Vezilly-Vendôme (02), Goussancourt (02). Cantonnons à Ronchères (02).
Le 30 Janv. 3ème Étape 28 km. Ronchères, Le Charmel, Jaulgonne , Mont St Père, Glan, Brasles, Château-Thierry, Aulnois et Azy-sur-Marne (communes toutes situées dans l’Aisne) où nous cantonnons.
31 Janv. 4ème Étape. Azy – Chézy S/Marne, Nogent l’Artaud et Pavant (toujours dans l’Aisne) où nous cantonnons.
 
1er Février. 5ème Étape. Pavant-Pisseloup, Saacy (Saâcy-sur-Marne (77)), Méry (Méry-sur-Marne (77))– Luzancy (77) – Reuil (Reuil-en-Brie (77)), La Ferté-sous-Jouarre (77), Le Fayet ( ?) et le Château de Montebise (situé sur la commune de Pierre-Levée (77 au Sud-Est de La Ferté)) où nous séjournons au grand repos jusqu’au 21 Mars. (voir croquis du parcours ci-dessous)
 
J’ai pu faire venir, en fraude, ma femme et ma fille par la voiture du vaguemestre qui allait prendre les lettres à La Ferté s/Jouarre où elles étaient descendues à la gare de la Ferté.
 

 

Croquis du parcours effectué à pied du 30 janvier au 1er février 1918.

Croquis du parcours effectué à pied du 30 janvier au 1er février 1918.

Le Mardi 12 février 1918
Mardi-gras
 
Grande représentation de gala.
Prise d’Armes.
Remise de Croix de Guerre.
J’ai dû me prêter à cette remise de la Croix alors que le l’avais eue depuis 2 ans au Front, détaché au 5ème C.A. en ligne – Pour un soldat (j’étais le seul du 29e Territorial qui l’eût eue le premier ; on a attendu que les Officiers l’eussent à leur tour pour faire cette cérémonie.

J’ai des nouvelles d’Arnoux, nous nous entendions très bien ensemble – il était admirable de culot – Je pense à nos systèmes D continuels.
Un jour il avait décidé que nous pourrions aller en permission de 48 H à Paris en fabriquant nous-mêmes nos permissions, mais il fallait dessus le cachet du Régiment et la signature du Colonel. La permission faite, la signature imitée, restait le cachet. Nous allons tous deux au bureau du Colon, pendant qu’il déjeunait, mais un grand escogriffe de secrétaire était de garde et y prenait ses repas : on lui apportait chaque jour sa gamelle. Le cachet était là, devant nous, qui nous fascinait, mais comment timbrer nos perms devant cet animal qui nous aurait vendus ?
Arnoux a une idée lumineuse, comme nous étions téléphonistes, il lui dit : « nous venons visiter l’appareil du colonel » ; on fait semblant de visiter l’appareil, puis les fils, mais l’animal ne nous quittait pas des yeux. Je dis alors : « voyons maintenant les piles » ; « mince », criai-je alors,, « elles manquent d’eau, il faudrait que tu nous passe un peu d’eau ». Zut, l’animal nous passe une carafe qui se trouvait par hasard sur le bureau.
« Ah on, mon vieux » lui dis-je, « c’est de l’eau de pluie qu’il faut, trouve une boîte par là et prend un peu d’eau de gouttière ». « Je n’ai pas de boîte » dit-il, « mais prend ton quart, Bon Dieu ». Il vide son quart plein de vin et file dehors le remplir d’eau, juste le temps qu’Arnoux ait pu timbrer 4 permissions, et je renversai un peu d’eau sur les piles. Si nous rigolions en sortant – c’était des piles sèches !!! mais nous avions réussi.
 
Comme le secteur était devenu un peu calme, l’adjudant Arnoux et moi restions à la C.H.R., la popote y était bonne et à tour de rôle, nous allions voir nos téléphonistes qui occupaient 3 postes en ligne et nous redescendions l’après-midi. C’est alors qu’Arnoux le premier à Paris avec une de ces fameuses permes. Notre lieutenant Baffet, un bon type également, qui ne s’occupait jamais beaucoup de nous,  dès le lendemain, me dit : « Arnoux n’est pas là ?». « Non mon lieutenant, il est monté faire un  tour dans les postes » alors que je le savais à Paris. (On aurait dit qu’il sentait le gout (le coup, je suppose) car le lendemain matin, Arnoux est là !). « Non lui dis-je, il n’est pas rentré, il a dû coucher dans l’un des postes ». « Ah » dit-il, puis il s’en va.
Bon Dieu, le 3ème jour Arnoux, qui aurait dû être rentré de nuit, n’était pas là. J’étais inquiet. Pan – Je bute dans les jambes du Lieutenant. « Où est Arnoux ?» me dit-il. Comment faire ? Je réponds évasivement : « je ne sais pas, il doit être par là ». Ouf, juste à ce moment nous apercevons notre Arnoux en capote qui déambulait dans la rue, comme s’il se promenait car il nous avait vus. Comme le Lieutenant lui disait bonjour, un zèbre du ravitaillement qui arrivait avec sa voiture et qui l’avait vue à la gare, lui dit : « si tu m’avais attendu, je t’aurais ramené ». Arnoux, sans se démonter, nous dit : « pour 100 mètres que j’ai fait au bout du pays, ça n’en valait pas la peine ». Cela a bien passé, mais j’au eu la frousse plus que lui. Pensez s’il n’était pas rentré à temps ou accidenté !!! C’était un 2ème Conseil de Guerre pour moi !
Je fis comme lui, une autre fois, mais le lendemain soir j’étais rentré. Nous couchions seuls tous deux dans une cave et quand on nous voyait pas à la popote,  les camarades répondaient : « il est monté en postes »  mais c’était risqué.
 
Notre séjour à Montebise dura jusqu’au 23 mars. Les Boches venaient de crever le front sur St Quentin – La Fère et notre Régiment rembarquait avec la 5e C.A. à Lisy s/Ourq (77)  pour Noyon (60) où il trouva les Allemands dans les rues.
Le 24 mars 1918. Je suis désigné avec un Officier pour récolter tous les permissionnaires du C.A. avec plusieurs hommes. J’en ai profité pour faire venir ma femme et ma fille. C’était à la gare de la Ferté S/Jouarre et j’avais trouvé une chambre chez un commerçant.
Nous réexpédions les permissionnaires par camion sur la gare de Creil. Cela dura 15 jours et le 8 Avril nous rejoignons le Régiment à Margny-les-Compiègne (60). J’ai profité, pendant mon séjour à Montebise, pour demander un laissez-passer pour aller à St Soupplets (77) sur la tombe de mon petit garçon.
 
Le 9 Avril. 3 téléphonistes de mon atelier sont désignés pour ravitailler en munitions la Compagnie de Mitrailleurs à Noyon. Je dois les accompagner mais au dernier moment, c’est un Lieutenant qui a été désigné. Ravitaillement difficile, mes hommes ont ramené le Lieutenant de mitrailleurs qui avait été tué : ils ont eu la Croix de Guerre pour cet acte. Un Bataillon du 29ème Territorial est encerclé par les boches et arrive à percer, en laissant beaucoup de pertes sur le terrain.
Le 14 Avril. Nous quittons Margny-les-Compiègne pour une destination inconnue. Arrivés dans la Somme à Frémontiers en camions découverts, frigorifiés en arrivant, et attendons jusqu’au soir pour avoir un cantonnement.
Le 17 Avril. Nous passons, les téléphonistes, à la Cie télégraphique du 5e C.A. 8ème qui est à Oraismaux (Oresmaux (80) entre Frémontiers et Ailly s/Noye à proximité de cette dernière commune) où nous arrivons à midi. Nous enterrons des lignes téléphoniques dans des petits boyaux pour relier Ailly s/Noye, Jumel, Berny, Guyencourt (communes et lieux-dits à proximité d’Ailly-sur-Noye).
 
Nous sommes bombardés pendant 6 nuits par du 210. Le bombardement qui avait repris une matin, j’ai dû rentrer avec mes hommes et rendre compte au Capitaine qui prétendit que c’était la peur qui nous a fait rentrer. Mon Lieutenant qui me connaissait bien lui proposa de m’accompagner tous les deux, jusqu’au lieu de notre travail, mais le Capitaine a eu peur, lui, car il n’a pas voulu avancer où nous travaillions sous le bombardement et me fit des excuses devant mon Lieutenant car il m’avait parlé de punition.
Mon tour de permission étant arrivé, je partais pour 10 jours à Paris et le 24, je rentrais à Oresmaux pour repartir le lendemain 25 à Tilloy les Conty pour arriver à Moyencourt (toujours dans la Somme) à midi afin d’embarquer à Soleux ( ?) en Chemin de Fer pour l’Alsace. 4 jours de voyage en wagons à bestiaux avec une lenteur d’escargot>. L’on nous débarquait à Belfort pour prendre position à Montreux-Vieux (68) le 30 Mai.
 
Je reçois ordre, de suite, d’établir une ligne entre le Bureau du Colonel et le cantonnement, en arrivant à celui-ci. Je trouve les hommes en tenue, les faisceaux sur la route. Le régiment venait d’être alerté, prêt à embarquer à toute minute. Je dus replier ma ligne téléphonique aussitôt et le lendemain, 31 Mai, nous embarquions à Bas Evette, près Belfort, car une attaque allemande était déclenchée en Aisne, Soissons.
Nous avons trainé 4 jours pour rien en wagons à l’aller, alors que le retour eut lieu 24 heures après.
Le 1er Juin. Nous arrivons à Sommesous (51)– Camp de Mailly.
 
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Ici se termine mes copies sur la Guerre
Car, comme tous, à la libération, je criais : « C’est la (Der des Ders
Hélas – Rentré, cela continue de tous côtés.
C’est pourquoi j’arrête les copies de mon petit livre que j’avais trainé pendant mes quatre ans ½ de Guerre.
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A bas les Guerres !
 
Signé : BIDARD
 
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